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Quelques roches des Alpes-de-Haute-Provence

Les principaux secteurs géologiques des Alpes-de-Haute-Provence
   Héritage de son histoire géologique, le département présente une grande variété de roches participant à la diversité des conditions, et donc de la flore, que l'on y rencontre.

   Trois grands "ensembles", calcaires, grès et marnes, définis par la texture et la composition chimique des roches composent l'essentiel du sous-sol du département, laissant place, ponctuellement à une multitude d'affleurements plus originaux. Les différents sols que forment les processus d'altération des roches hébergent des flores plus ou moins spécifiques selon leur particularité, en particulier leur "acidité" et leur "mobilité" (roches massives, éboulis, terres noires, sols stabilisés…).

   Les calcaires massifs du Verdon, terres noires autour de Digne-les-Bains, conglomérats du Plateau de Valensole, flyschs à helminthoïdes de l'Autapie et du Parpaillon, ont en commun leur origine sédimentaire et leur pH basique.

   Les grès d'Annot, de Banon qui résultent de la sédimentation de sables acides permettent la présence d'une flore silicicole dont témoignent les châtaigneraies du Fugeret.

   Plus originaux, les affleurements de gypse, çà et là de Barrême à Bayons, les ophiolites de la Haute-Ubaye ou les quartzites du Vallon des Houerts nous ramènent à l'Ère primaire.

Calcaires

   Les calcaires sont les roches les plus communes du département. D'origine sédimentaire, ils se forment à partir de dépôts (marins ou lacustres) de squelettes calcaires d'organismes planctoniques. Suivant leur épaisseur, les conditions chimiques, de pression et de température auxquels ils sont soumis lors de leur évolution, ces dépôts se transforment en roches plus ou moins massives, disposées en bancs plus ou moins importants.

   La dissolution des calcaires par l'eau de pluie, légèrement acide, libère des ions calcium. Si ce dernier n'est pas indispensable comme nutriment (c'est à dire nécessaire à l'édification des organes de la plante), il peut être nécessaire comme oligo-élément catalyseur de réactions métaboliques et en neutralisant l'acidité naturelle du sol, ce qui joue un rôle sur la disponibilité de certains éléments nutritifs (potassium notamment).
Plus largement, l'ensemble de ces phénomènes de dissolution (dits "karstiques"), modèle le paysage et influe sur la composition de la flore à plusieurs niveaux.

   Un calcaire contient des éléments insolubles dans l'eau (silex par exemple). Sa dissolution, puis son infiltration, peut éliminer le calcium des affleurements.
   Les dolines, dépressions herbeuses plus ou moins acides au sein des paysages calcaires résultent d'une telle évolution. La disparition "physique" du calcium explique la dépression, les impuretés qui restent en place, suivant leur nature chimique, l'éventuelle acidification du sol permettant la présence d'une flore spécifique.
   Les avens, qui se forment par effondrement de la voûte d'une cavité karstique sont, particulièrement l'été en région méditerranéenne, des puits de fraîcheur abritant de véritables oasis de verdure.
   L'eau qui s'infiltre est à l'origine de résurgences lorsque, en profondeur, elle est "bloquée" par une couche étanche qu'elle suit jusqu'à sa résurgence.
   D'autres phénomènes physico-chimiques peuvent alors provoquer la précipitation du calcaire dissous au niveau de ces "sources vauclusiennes" sous forme de tufs et travertins auxquels sont inféodées des espèces particulières.
   Les particules érodées, entraînées par la gravité, le vent ou le ruissellement, peuvent s'accumuler dans des dépressions, créant des environnements parfois différents de celui défini par le substrat.

   Par ailleurs, les calcaires se présentent sous de multiples faciès (intégrés à un sol profond, parois massives, blocs plus ou moins gros et mobiles dans les éboulis) qui multiplient les conditions de sol résultant de leur évolution.

   C'est donc une multitude de cortèges floristiques, du plus commun (coteaux à thym et aphyllanthe, chênaies vertes), au plus particulier (doradille du Verdon et moehringie intermédiaire, rupicoles - littéralement "qui habite les parois" - endémiques des gorges du Verdon) que proposent les secteurs calcaires du département.

Argiles et marnes

   Historiquement on a d'abord appelé "argiles" tous les dépôts sédimentaires très fins (éléments de moins de 2 millièmes de millimètres). De nos jours on complète la définition avec la nature chimique des composants ce qui amène à distinguer :
- les argiles sensu stricto composées de silicates,
- les marnes, mélange de 35 à 65 % de silicates et de carbonate de calcium (calcaire),
- les calcaires argileux (moins de 35 % de silicates),
- les argiles calcaires (plus de 65 % de silicates).
   Les marnes se présentent souvent en alternance avec des bancs calcaires. On donne le nom de marno-calcaires à ces séries, communes dans les Alpes-de-Haute-Provence, formées par la succession de cycles climatiques durant leurs dépôts.

   Des caractéristiques chimiques, propriétés mécaniques et comportement vis à vis de l'eau des argiles et des marnes résultent des sols déterminant les flores susceptibles de s'y développer.

   L'acidité du sol influe sur la disponibilité pour les plantes de certains éléments nutritifs.
Compactes quand elles sont sèches, les marnes et argiles deviennent meubles, voir fluantes quand elles se gorgent d'eau. En situations pentues, il en résulte un ravinement important, des éboulements ou glissements fréquents, conditions demandant une adaptation particulière aux plantes capables de coloniser ces talus qui se dérobent sous leurs pieds.
Capables de se gorger d'eau au point de priver le sol de tout oxygène (nécessaire à la microfaune), mais aussi de se dessécher fortement l'été dans les régions méditerranéennes, ces roches donnent des sols pauvres à l'humidité très variable, conditions difficiles pour la flore.

   Cependant, comme pour montrer que les choses ne sont jamais simples dans le domaine du vivant et évoluent au fil du temps, les argiles donnent, une fois la végétation installée, un des sols les plus fertiles. C'est le complexe "argilo-humique" (CAH) cher aux agronomes qui présente l'équilibre entre ses constituants le plus favorable au développement des plantes.

   Si les poches d'argile pure restent rares dans les Alpes-de-Haute-Provence, les marnes couvrent de grandes étendues. Marnes noires à l'origine des paysages de "roubines" ou "robines" omniprésents de Barrême à Serre-Ponçon, marnes bleues d'Annot à Saint-André-les-Alpes, marnes blanches au sein du plateau de Valensole, …

Grès

   Les grès sont constitués de grains de sable, calcaires (molasses de Forcalquier) ou siliceux (grès d'Annot, de Vachères, quartzites), "collés" entre eux par un "ciment" en général calcaire (grès d'Annot et de Vachères, molasses) plus rarement siliceux (quartzites). Ce sont des roches sédimentaires qui se forment en deux temps. L'érosion effrite des roches massives. Les produits d'érosion (les grains de sable) s'accumulent dans des dépressions (ou dans les mers, océans…) où les conditions chimiques entraînent la précipitation de sels dissous dans l'eau intersticielle qui circule entre les grains de sable (carbonate de calcium dans le cas d'un ciment calcaire) englobant et soudant ceux-ci entre eux.

   Les molasses, entièrement calcaires, donnent des sols basiques, quand les grès d'Annot ou de Vachères, ainsi bien sûr que les quartzites, entièrement siliceuses, sont à l'origine de sols acides, l'érosion éliminant le ciment calcaire.

   Les grès d'Annot se sont formés au fond de canyons sous-marins à partir de l'érosion des massifs cristallins (siliceux) qui bordaient (au sud, plus ou moins le massif actuel du Tanneron) cette mer. Exondés et rehaussés ensuite par la compression alpine, ils forment une grande "langue" qui s'étend du sud-est du département, Annot, Le Fugeret, jusqu'aux sommets entre le haut Verdon et l'Ubaye. Plus ponctuellement, les grès de Vachères affleurent à l'ouest de la Durance, et les quartzites dans la haute Ubaye.

   Ces substrats donnent des sols "acides" où se développent une flore spécifique. La présence du châtaignier, des bruyères, en plaine, ou du rhododendron, en altitude, soulignent la présence de ces secteurs acides.

Mais aussi

   Pour compléter ce bref et succinct tour d'horizon de la pétrologie du département, on peut aussi citer un certain nombre de formations qui, sans avoir une influence particulière sur la flore, témoignent d'une tumultueuse histoire géologique… et peuvent tirer l'œil du botaniste en goguette.

   Le gypse se forme par précipitation de sels de soufre lors de l'assèchement de lagunes. Les affleurements que l'on rencontre dans le département datent du Trias (début de l'Ere secondaire). Si la gypsophile lui doit son nom (littéralement "qui aime le gypse"), cette dénomination est un peu trompeuse car, commune et "simplement" calcicole, elle ne lui est pas inféodée.

   Les flyschs (bien utiles aussi au Scrabble) sont des formations sédimentaires se présentant en bancs minces "granoclassés" (séquence de sédimentation où les éléments se répartissent suivant leur diamètre, les plus gros en bas de la strate) d'argile, sable et graviers. Les flyschs à helminthoïdes présentent une ornementation très particulière qui serait la trace de reptations d'organismes vermiformes sur les sédiments les plus fins.

   Les marbres de la haute Ubaye résultent de la métamorphisation de calcaire. Quand, au cours de l'histoire géologique, des calcaires se retrouvent enfouis à grande profondeur, ils sont soumis à une pression et des températures qui induisent de profondes transformations physico-chimiques.

   Les ophiolites ou serpentinites doivent leur nom à leur teinte plus ou moins verdâtre striée de blanc, rappelant la peau des reptiles, de certains de leurs composants. Ce sont des formations où se côtoient des éléments sédimentaires de grande profondeur, des basaltes du plancher océanique et des laves empilées en "coussins" (pillow-lavas). Cette séquence se rencontre au fond des océans au niveau des dorsales océaniques. Sa présence dans les massifs de l'Ubaye rappelle que notre région fut un temps un océan… mais aussi, mon bon monsieur, que nous sommes bien peu de chose comparés aux forces telluriques qui ont pu comprimer cet océan au point de rehausser son plancher de plusieurs milliers de mètres.
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