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Les mesures de préservations
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Contexte

La préservation des espèces végétales

Introduction

Sabline du Verdon
En parcourant les canyons du Verdon, peut-être remarquerez-vous, dans les anfractuosités des parois, les touffes d’une petite plante aux fines feuilles et aux fleurs blanches à quatre pétales. D’apparence anodine, cette discrète sabline du Verdon (Moehringia intermedia Loisel. ex Panizzi) est rarissime. Sur toute notre planète, vous ne pourrez l’observer que dans ces gorges et quelques-uns des ravins qui y débouchent !

D'abord pour des raisons économiques, puis esthétiques et, beaucoup plus récemment, naturalistes, l'Homme a progressivement pris conscience des services que rend son environnement et, partant, de la nécessité de sa préservation.
Face aux multiples causes de détérioration du patrimoine naturel s'est progressivement mis en place tout un éventail de mesures, programmes et textes législatifs visant à le préserver.
Les résultats restent cependant mitigés, en particulier dans notre département, mauvais élève de la classe PACA dans ce domaine.

La sabline du Verdon est protégée par la loi : « il est interdit en tout temps et sur tout le territoire national de détruire, de colporter, de mettre en vente, de vendre ou d'acheter et d'utiliser tout ou partie » de cette plante.

De la nécessité à la volonté : les premières mesures de préservation

Durant des millénaires, le faible nombre des humains et leur activité de « chasseurs-cueilleurs » garantit leur équilibre avec la nature. L’apparition de la domestication animale et du pâturage, puis de l’agriculture et donc de la sédentarisation suscita un déséquilibre et accrut peu à peu la pression humaine sur la nature. Des pans entiers des paysages forestiers de nos régions disparurent au profit de prairies sur d’immenses surfaces.

En France, une prise de conscience de ce déséquilibre naît au 13ème siècle avec la première mention des « Eaux et Forêts » dans une ordonnance de Philippe Auguste. Il s’agit de règlementer « l’exploitation et la vente » des bois. La valeur de la nature est alors avant tout commerciale. De même, au 17ème siècle, Colbert affirmera, à propos de la forêt, « c’est un trésor qu’il faut soigneusement conserver. » La conserver, pour la couper, notamment au profit de la marine royale !

Les déboisements restent donc massifs et, au début du 19ème siècle, ils provoquent d’importantes catastrophes naturelles.

En effet, les forêts jouent un rôle important dans la fixation des sols et comme « tampon » des fortes pluies. Du néolithique à la fin du 18ème, les Alpes-de-Haute-Provence sont progressivement déboisées pour de multiples raisons : construction d’habitations, ouverture d’espaces agricoles et de parcours pastoraux, chauffage, fonctionnement des premières machines à vapeur…
Au début du 19ème siècle, moins de 10 % des « Basses-Alpes » sont encore boisés avec des conséquences de plus en plus désastreuses : crues, glissements de terrain, érosion des terres agricoles. Ces catastrophes, et les disettes à répétition qui en résultent, provoquent un exode massif durant tout le XIXe et le début du XXe siècle (de 170 000 habitants à la Révolution, le département n’en compte plus que 85 000 à la fin de la deuxième guerre mondiale).
En 1922 sont créées les « forêts de protection, dont la conservation est reconnue nécessaire au maintien des terres sur les montagnes et sur les pentes, à la défense contre les avalanches, les érosions et les envahissements des eaux et des sables. » Cet objectif sera étendu en 1976 « aux forêts périurbaines et aux forêts dont le maintien s’impose soit pour des raisons écologiques soit pour le bien-être de la population. » On voit bien que la préoccupation du patrimoine naturel apparaît tardivement dans cet arsenal juridique…

Une deuxième motivation voit le jour au XIXe siècle. Des artistes s’inquiètent de l’altération de certains paysages. C’est ainsi qu’en 1861 des peintres de l’Ecole de Barbizon – parmi les premiers qui vont peindre dehors, « sur le motif » - obtiennent la protection d’une partie de la forêt de Fontainebleau. Puis les lois du 21 avril 1906 et du 2 mai 1930 permettent la création de sites classés où « les activités et aménagements susceptibles d’en modifier la perception sont, sauf dérogation, interdits. »

La nature est alors préservée parce que « nous n'héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants, selon Saint-Exupéry ». Et comme l’affirme le poète anglais Ian Mac Millan « ce qui compte dans la sauvegarde des condors et de leurs congénères, ce n'est pas tant que nous avons besoin des condors, mais que nous avons besoin des qualités humaines nécessaires pour les sauver. Ce sont précisément celles-là mêmes qui nous seront nécessaires pour nous sauver nous-mêmes. »

Menaces et vulnérabilité

Mettre en place une politique de préservation sous-entend de connaître les menaces qui pèsent sur espèces et milieux ainsi que la vulnérabilité de ceux-ci.

Les pressions sur la nature, que l’on peut définir comme des évènements ou activités susceptibles de modifier, fragmenter ou détruire les milieux, sont diverses, que ce soit par leur nature, leur intensité ou leur portée géographique.

L’urbanisation et la réalisation d’infrastructures « consomment » des espaces naturels d’une manière irréversible (au moins à l’échelle du temps humain). Ces menaces, directement liées à la démographie, pèsent surtout sur le Val de Durance à l’aval de Sisteron, la vallée de la Bléone jusqu’à Digne-les-Bains, mais aussi dans une moindre mesure, dans quelques “pôles” touristiques ou de villégiature (Lure et Luberon, vallées du Verdon et de l’Ubaye).

Des pratiques excessives modifient durablement et profondément les sols, induisent une pollution diffuse (aux effets mal connus) et, dans certains cas, perturbent le cycle naturel de l’eau (captage, drainage, irrigation, etc.). L’agriculture intensive menace les vallées de la Durance et de la Bléone, les plateaux du Vaucluse et de Valensole. Le surpâturage est ponctuel, mais potentiel sur tous les massifs du département.

Idées reçues :
Par l’importance des surfaces du département qu’ils concernent, le pastoralisme et la sylviculture jouent un grand rôle dans le façonnage des paysages.
En eux-mêmes, contrairement à ce que l’on entend souvent, ni l’un ni l’autre ne sont « bons » ou « mauvais » pour la biodiversité. Tout au plus modifient-ils la proportion respective et la répartition des grands types de milieux (forêts, landes, pelouses, zones humides) ce qui en fait de puissants outils de gestion des espaces naturels, pour le meilleur ou pour le pire…
Bien conduit, le pastoralisme maintient des pelouses dans des secteurs naturellement boisés. C’est particulièrement le cas sur les massifs et collines du Luberon où, suivi par le Parc naturel régional, le pâturage assure le maintien d’un cortège de plantes des milieux ouverts naturellement rares et en régression en moyenne Provence touchée par la déprise agricole.
À l'inverse, dans la Haute-Ubaye, la surcharge pastorale de certains alpages est un réel problème.
La biodiversité maximale d’une forêt est atteinte à sa maturité. Celle-ci, sous nos latitudes, est atteinte après au moins un siècle de développement. L’« entretien » n’a aucune influence favorable sur cette biodiversité, voire la réduit s’il est trop drastique ou réalisé à des intervalles trop courts (avant sa maturation). Au début du XVIIIe siècle, notre département, avec moins de 10 % de couvert forestier, était pratiquement entièrement déboisé. Depuis, par des reboisements massifs ou une recolonisation naturelle, ce taux est remonté à ± 50 %, avec des forêts qui arrivent à maturité. Le risque pour la biodiversité n’est pas alors de ne rien faire, mais bien d’intervenir trop massivement et sur des surfaces trop importantes. La tendance actuelle, qui est de réduire la durée des cycles de coupe à moins d’un siècle, explique la nécessité de préserver des îlots de sénescence, suffisamment grands pour rester fonctionnels, comme réservoir d’espèces liées à la maturité de la forêt.
En région méditerranéenne les incendies de forêts sont un aléa naturel auquel la végétation était adaptée et, pendant longtemps, n'étaient pas la "catastrophe écologique" trop souvent "vendue". Mais les modifications climatiques changent la donne. L’augmentation observée ces dernières années de la puissance et de la fréquence des feux font maintenant peser de réelles menaces sur la biodiversité.


Il en est de même pour les aménagements et la fréquentation (piétinement, escalade) qu’induit le développement touristique : exemple des crêtes de la Montagne de Lure, des gorges du Verdon, de la vallée de l’Ubaye et des stations de ski.

Certaines espèces introduites, volontairement ou accidentellement, peuvent se révéler invasives, se développant au détriment de la flore locale.
Bidens frondosa L. est une composée originaire d’Amérique du Nord introduite en Europe à la fin du XIXe siècle. Elle se développe de manière invasive dans le lit de la Durance où elle supplante progressivement l’espèce autochtone Bidens tripartita L.
Le « buddleya », arbre aux papillons bien connu des jardiniers, envahit des vallons entiers de la Bléone et de la Durance, étouffant la végétation locale.

Enfin, le changement climatique modifie l’ensemble des conditions régionales de température et de pluviométrie sans que l’on en connaisse encore précisément les conséquences. Plusieurs programmes d’études ont été lancés, mais un peu de recul et une multiplication des observations sont encore nécessaires pour valider leurs résultats.

Il est également indispensable, pour définir et mettre en œuvre une préservation efficace, d’estimer la vulnérabilité d’un milieu particulier ou d’une espèce donnée. Cette sensibilité aux pressions dépend de plusieurs facteurs comme la répartition, la fréquence, l’abondance de l’espèce et du milieu, mais aussi la nature et l’intensité des menaces potentielles.
Par exemple, les « mauvaises herbes » qui poussent dans les cultures (bleuets, adonis), très communes et largement réparties autrefois sont rendues vulnérables par l’intensité de la lutte que leur livre l’agriculture qui a fait fortement régresser tant leur abondance que leur aire de répartition. Notre sabline du Verdon, peu menacée par les activités humaines, est cependant vulnérable du fait de son aire de répartition très restreinte. Si elle disparaît du Verdon, elle disparaît de la surface de la Terre.

Pour un territoire donné, on qualifie souvent de « patrimoniales » ces espèces remarquables à divers titres, mais qui ont en commun d’engager fortement, pour leur préservation, la responsabilité du territoire concerné.
On reconnaît dans les Alpes-de-Haute-Provence un peu plus de 300 espèces patrimoniales dont 186 sont formellement protégées.

Outils de connaissance, mesures et acteurs de la préservation

ZNIEFF - Source DREAL PACA
Parc national, Parcs naturels régionaux - Source DREAL PACA
En réponse à la diversité des menaces et des contextes propres à chaque espèce ou territoire, tout un éventail de textes et procédures a été développé, impliquant de nombreux acteurs.

C’est ainsi que l’on peut viser à préserver une espèce, un habitat, un « couloir » assurant une continuité entre les différents milieux… ou l’ensemble du patrimoine naturel. Et pour ce faire utiliser une réglementation, la maîtrise foncière, des conventions, une contractualisation. Une mesure peut avoir une envergure européenne, nationale, régionale, départementale, communale… ou ponctuelle. Elle peut être mise en œuvre par l’État, une collectivité locale, un établissement public, une association, à titre individuel… Elle s’appuie sur la connaissance de la répartition des espèces issue d’inventaires réalisés par le Muséum national d’histoire naturel, par des universitaires, par les Conservatoires botaniques nationaux, par les gestionnaires de Parcs et réserves, par des organismes publics ou privés, par des associations…

En 2015, le droit à un environnement de qualité est attaché au préambule de la Constitution, les documents d’urbanisme et les projets d’infrastructures intègrent la prise en compte du patrimoine naturel.

Concernant la protection des espèces, c’est une loi de 1976 qui interdit la destruction de certaines espèces et du milieu dans lequel elles se développent.
La liste des espèces concernées, de portée nationale, peut être complétée par des arrêtés fixant des listes régionales et départementales pour tenir compte des spécificités plus locales (une espèce peut être commune en France, mais vulnérable en Provence ou dans notre département).
Dans les Alpes-de-Haute-Provence, ce sont 186 espèces (sur les 2 800 espèces recensées dans le département) qui sont ainsi légalement protégées.

Le « temps » législatif fait que les listes d’espèces concernées ne sont revues qu’épisodiquement, en général avec un peu de retard sur l’avancée des connaissances sur la distribution des espèces, ainsi que sur leur niveau de vulnérabilité. Il en résulte certains manques qui sont compilés dans des « listes rouges de la flore menacée » et d’autres programmes comme le « Plan national d’action pour les messicoles - PNAM » qui définit un statut (vulnérable, en danger…) pour les plantes des moissons en fonction de leur répartition et de leur abondance.

Espèces protégées et menacées des Alpes-de-Haute-Provence

Les Zones Naturelles d’Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique - ZNIEFF visent à établir la synthèse de l’état des connaissances. Elles sont définies comme des périmètres à la richesse biologique remarquable. Ceux-ci sont classés dans deux catégories : ZNIEFF de type I pour des secteurs de grand intérêt biologique ou écologique ; ZNIEFF de type II pour de grands ensembles naturels riches et peu modifiés, offrant des potentialités biologiques importantes. 57 % des Alpes-de-Haute-Provence sont classés en ZNIEFF. Si ce zonage n’impose aucune réglementation particulière, il doit cependant être pris en compte dans les documents d’urbanisme et les projets d’aménagements.

Les périmètres Natura 2000 découlent d’une directive européenne qui impose aux États membres de préserver les espaces naturels et espèces remarquables ou vulnérables au sein d’un réseau de périmètres reconnus pour la richesse et l’intérêt de leur patrimoine naturel. Les sites Natura 2000 couvrent environ 20 % de la surface du département. Pour chaque site est rédigé un Document d’Objectifs (DOCOB) qui définit les mesures à mettre en œuvre. En France, cette mise en œuvre se fait essentiellement par voie contractuelle.

L’écologie enseigne que les échanges entre milieux sont indispensables à leur survie. Les « couloirs » permettant ces échanges sont recensés dans une trame verte et bleue. Cette trame figure dans les chartes des parcs nationaux et régionaux et doit être prise en compte dans les documents d’urbanisme.

Les Parcs nationaux distinguent en leur sein trois types de périmètres avec des degrés de protection progressifs : simple prise en compte du patrimoine naturel dans les activités ou pour les aménagements, pour la zone dite « d’adhésion » ; réglementation stricte dans le « cœur » du parc et, au sein de ce cœur, des réserves intégrales interdites de fréquentation (et donc de perturbation).
Quatre communes des Alpes-de-Haute-Provence ont adhéré à la charte du parc national du Mercantour : Larche, Uvernet-Fours, Allos et Colmars-les-Alpes (janvier 2016).

Les Réserves de biosphère sont des périmètres remarquables reconnus par l’UNESCO. Leur gestion, assurée par les États, s’appuie sur le même principe que les parcs nationaux, avec des aires concentriques à la protection de plus en plus stricte du périmètre au cœur.
Une réserve de biosphère englobe le Luberon et la Montagne de Lure.

Les Parcs naturels régionaux (PNR), bien différents, n’imposent aucune réglementation particulière, mais réunissent des communes autour d’une charte qui prône un développement durable.
Par des programmes d’études et de suivi, ils participent à l’amélioration et à la diffusion des connaissances sur leur patrimoine naturel. Les Parcs naturels régionaux du Luberon et du Verdon comprennent 53 des communes des Alpes-de-Haute-Provence.
Pour le PNR du Verdon, Infloralhp a conduit des études sur la flore des parois et assure un suivi de stations d’une doradille (petite fougère) endémique, l’asplenium de Jahandiez.

Les Espaces Naturels Sensibles (ENS) sont des périmètres identifiés par le département « dont le caractère naturel est menacé et rendu vulnérable, actuellement ou potentiellement, soit en raison de la pression urbaine ou du développement des activités économiques ou de loisirs, soit en raison d’un intérêt particulier eu égard à la qualité du site ou aux caractéristiques des espèces végétales ou animales qui s’y trouvent ». Ils sont gérés par le Conseil départemental, après acquisition ou par voie contractuelle, avec un double objectif de préservation et de mise à disposition du public. Dans les Alpes-de-Haute-Provence un atlas répertorie 118 sites à protéger représentatifs des milieux naturels du territoire : zones forestières, cours d'eau et lacs, tourbières et marais, prairies sèches et zones pastorales, landes, etc. Trente-quatre de ces sites ont été jugés prioritaires et un schéma directeur départemental des Espaces naturels sensibles définit la politique et les moyens nécessaires à mobiliser sur ces sites prioritaires. En 2015, dix sites ont bénéficié d’aménagements pour un meilleur accès et un meilleur respect des lieux : amélioration du stationnement des véhicules, matérialisation de cheminements pour les piétons, mise en place d’une signalétique d’information et de sensibilisation du grand public.

Les arrêtés préfectoraux de biotopes sont des réglementations « sur mesure » pour des richesses spécifiques du département concerné. Cinq arrêtés de biotope existent dans notre département ; ils concernent le Luberon oriental, la Barre des Dourbes, le Plateau de Dormillouse, la Montagne de Mouisset et le Grand canyon du Verdon.

Enfin, on peut citer également la présence d’une Réserve naturelle régionale sur le site de Saint-Maurin, zone de résurgence vauclusienne située à l’entrée des gorges du Verdon et de 1400 ha de Réserves biologiques domaniales ou forestières disséminées dans le département. Gérées par l’Office National des Forêts, elles préservent des secteurs « boisés » remarquables.

De l’efficacité de la préservation

Évolution de la présence de l'aspérule des champs
Part de la superficie du territoire classé en espace protégé (en %)
La première manière d’apprécier l’évolution de la flore du département consiste à suivre les populations (abondance, répartition) des différentes espèces.

L’azalée, Kalmia procumbens (L.) Gift, Kron et P.F.Stevens, espèce protégée, est une plante alpine qui n’a été observée qu’une demi-douzaine de fois dans la Haute-Ubaye à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Plante mythique pour les botanistes, ses stations étaient régulièrement visitées, même après ses dernières observations dans les années 1940. Ce suivi régulier, couplé à la bonne prospection de la Haute-Ubaye, seul secteur du département où l’azalée est susceptible de se développer, permet, en l’absence d’observations depuis 70 ans, de considérer que cette azalée a disparu des Alpes-de-Haute-Provence.

Nous disposons de près d’un million de données pour le département. Elles correspondent à une centaine de milliers de relevés. Mais seule une poignée d’entre eux ont été effectués au même endroit et à des époques suffisamment différentes (et de manière suffisamment répétée pour éviter un biais lié à des « bonnes » ou « mauvaises » années) pour affirmer que telle ou telle espèce a régressé ou s’est développée. De plus, pour une plante donnée, les stations suivies sont rarement assez nombreuses pour permettre de généraliser à l’ensemble du département l’évolution des populations observées
Dans notre département, un tel suivi, régulier et suffisamment long, n’existe que pour quelques espèces.

Globalement, les inventaires réalisés sous l’autorité scientifique du Muséum National d’Histoire Naturelle, montrent une érosion constante de la richesse de la flore et de la faune en France, mais avec de grandes variations suivant les milieux concernés. Notre département n’échappe pas à cette tendance.
Si les landes, forêts ou milieux rocailleux présentent un bon état de conservation, les fonds des principales vallées sont sous la pression de l’urbanisation, les zones humides (riches en espèces patrimoniales) voient leur surface se réduire tandis que l’agriculture continue de s’intensifier.

L’aspérule des champs est une petite plante des moissons définie comme vulnérable par la liste rouge Provence-Alpes-Côte-d’Azur et considérée en situation précaire dans le plan national d’action pour les messicoles… sans que cela ne change grand-chose à sa régression généralisée.
Présente sur les 4/5 du territoire français à la fin de la deuxième guerre mondiale (en rouge sur la carte ci-contre), elle n’est plus notée que dans une quinzaine de départements, mais d’une manière significative seulement dans 7 départements méditerranéens (en vert).

Le patrimoine naturel des Alpes-de-Haute-Provence est assez bien conservé, mais la pérennité de cette conservation est loin d’être garantie. Certes les inventaires et études apportent une connaissance de plus en plus fine de ce patrimoine naturel et des menaces auxquelles il doit faire face. Certes, l’éventail des mesures se déploie, permettant des réponses de plus en plus adaptées à chaque cas de figure. Mais ces avancées « techniques » ne compensent pas toujours les faiblesses législatives ou politiques… et laissent entières les inconnues liées au changement climatique.

Un des premiers problèmes persistants est l’absence de vision globale lors des décisions d’aménagement. Si, par exemple, sur un territoire donné, sont envisagés plusieurs projets, les études d’impacts réglementaires ne considèrent formellement que les conséquences individuelles de chaque projet. Poussée jusqu’à l’absurde, cette situation permettra d’approuver cent projets mitoyens n’affectant chacun que 1 % du territoire concerné.
Le « saucissonnage » des gros projets, couplé au principe du « coup parti » est une autre insuffisance. Il permet la mise en œuvre de projets dont la démesure ou l’inadéquation n’apparaissent que progressivement, les impacts n’étant envisagés qu’au fur et à mesure de la réalisation (le saucissonnage), et qui ne peuvent plus être arrêtés au motif des dépenses importantes déjà engagées (le coup parti).
C’est ainsi qu’insidieusement, des secteurs entiers peuvent se voir grignotés tout à fait régulièrement. Le Val de Durance est un bon exemple de cette usure progressive : endiguement de la rivière, régulation de son cours, prélèvements d’eau agricole ou par EDF, autoroute, voie ferroviaire, urbanisation, zones industrielles et commerciales, destruction locale de la ripisylve (les forêts des bords de rivières, corridors écologiques majeurs), plans d’eau touristiques… Pris individuellement, l’impact de chacun de ces éléments peut être maîtrisé, mais qu’en est-il de l’impact global de l’ensemble ? Rien ne prévoit de l’anticiper.

Le problème de l’agriculture intensive perdure, et devient d’autant plus flagrant que les autres grandes causes de perturbations (urbanisation, activités industrielles, aménagements touristiques) sont de plus en plus encadrées. D’une part la loi de 1976 instituant la protection des espèces ne s’applique pas sur les parcelles cultivées, et d’autre part toutes les tentatives, timides il est vrai, de faire évoluer les modes de production vers des modèles plus respectueux de l’environnement sont pour le moment restés vains. La consommation de pesticides augmente toujours de ± 2 % par an et, en 2015, la quasi-totalité des communes du Plateau de Valensole et du Val de Durance sont classées en « zone nitrate » : leurs eaux superficielles ou souterraines sont polluées par les nitrates ou susceptibles de l’être !
À l’écart de cette tendance lourde, l‘agriculture de montagne, qui concerne une grande partie des Alpes-de-Haute-Provence, est en grande difficulté. Elle tente de mettre en œuvre de nouvelles techniques de production et de commercialisation, plus respectueuses des ressources naturelles, privilégiant la qualité à la quantité. Cependant, ces initiatives restent marginales, sans grande portée sur la globalité et l’intensité des menaces liées à l’agriculture.

Certains espaces remarquables identifiés dans les Zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique manquent encore de reconnaissance. C’est le cas dans le sud-est du département, secteur écologique majeur de transition entre les influences ligures et ibères. Ou encore entre haute Bléone et haut Verdon sous la menace, pour ce dernier, de la fuite en avant, pour tenter de pallier les difficultés que provoque le changement climatique, vers plus d’aménagements consommateurs d’espaces et de ressources en eau (pour la neige de culture) des stations de ski du Val d’Allos.

On constate par ailleurs un manque local de volonté politique qu’illustre bien la comparaison des surfaces protégées des différents départements de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur.
L’emprise des territoires protégés est quatre fois moindre dans les Alpes-de-Haute-Provence que dans les Hautes-Alpes ou les Alpes-Maritimes.

À deux niveaux au moins, ce sont des arbitrages locaux qui décident de protéger ou non un espace vulnérable.
D’une part, la plupart des textes relatifs à la protection prévoient une possibilité de dérogation. Et les élus locaux ont une grande latitude d’utiliser ou non cette possibilité.
D’autre part, suivant le principe de subsidiarité, et sauf cas particuliers, une collectivité est compétente pour le territoire qu’elle administre. Le conseil régional pour des mesures régionales portant sur des enjeux régionaux, le département et les communes pour des enjeux plus locaux.
La richesse des Hautes-Alpes et des Alpes-Maritimes est comparable à celle de notre département. Il faut alors chercher la cause de la différence d’emprise des périmètres protégés au sein du département. Celui-ci « freine des quatre pieds » la mise en place de mesures nationales ou régionales, et ne prend que peu d’initiatives locales.

En définitive, si nous voulons bien admettre enfin que les humains ne sont ni à côté ni en face de la nature, mais en elle, alors sa protection garantit tout simplement notre avenir !
Les mesures de préservations
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